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qui vient par inclination, est plus grande et plus estimable que celle qui procede du dessein ou de l’obligation. Davantage, les obligations que nous recevons en nostre personne mesme, estans plus grandes que celles que la consideration d’autruy nous represente, il est certain qu’un bien-faict oblige plus que ceste memoire. Et en fin si l’offense meslée avec l’ingratitude est plus griefve que celle qui seulement nous offense, il n’y a personne qui n’advoue celuy-là estre plus punissable, qui les commet toutes deux. Or nous cognoissons que l’amour de Thamire procede d’inclination, puis qu’ordinairement celles qui sont telles, sont reciproques, et qu’aussi aimant Celidée, il en a esté aymé, ce qui n’est pas advenu à Calidon, de qui l’infertile affection n’a rien produict que de la peine et du mespris.

De plus, les bons offices que Calidon a receus de Thamire, le rendent plus son obligé que Thamire ne le peust estre, à la consideration de son oncle ; mais au contraire, l’offense de Calidon envers luy, estant meslée d’ingratitude, est beaucoup plus grande que celle que Calidon en reçoit, puis que Thamire la peut presque couvrir du nom de vengeance ou de chastiment.

C’est pourquoy, en premier lieu, nous ordonnons que l’amour de Calidon cede à l’amour de Thamire, que l’obligation de Thamire soit estimée moindre que celle de Calidon, et l’offense de Calidon