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que trop forte, si Calidon n’eust point esté, ou si estant il eust esté sans yeux, ou ayant des yeux, s’il les eust conduits, comme la raison luy ordonnoit.

J’advoue, belle Celidée (et je l’advoue les larmes aux yeux, et le regret au profond du cœur), j’advoue, dis-je, que vous avez plus de raison de vous plaindre de moy, que ny vos paroles, ny les miennes ne sçauroient representer. Je confesse que jamais amitié ne receut un plus grand effort, que celuy que la vostre a souffert de mon imprudence. Mais qui doit supporter, voire vaincre les plus grandes difficultez, sinon celuy qui en a la force et le courage ? Et bien, je vous ay fort outragée, mais ne devez-vous desdaigner ceste offence, pour monstrer que veritablement vous m’aimiez ? Quelle preuve de vostre amour ne m’avez-vous autrefois promise ? Qu’est-ce que vous ne m’avez point dit qu’elle surmonteroit ? Je vous somme maintenant de vostre parole, et si vous vous en desdites, et que vostre jugement alteré par l’offence ordonne autrement qu’à mon advantage, j’appelle de vous à vous-mesmes, lors que vous recevrez les advis de vostre amour, aussi bien que maintenant vous n’escoutez que ceux du despit. Et comment me vouliez-vous rendre preuve de vostre bonne volonté, si quelque semblable occasion ne se fust offerte ? Quoy donc ? tant que je vous eusse obligée