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l’arbre dont il desiroit avoir le fruict ? Il m’a fait plus d’outrage que je ne luy en fais, puis qu’il a esté le premier offenseur, et toutesfois j’en suis satisfaite, je ne m’en plains pas, et s’il m’en doit de retour, je l’en quitte de bon cœur, et qu’il ne me recherché plus d’une chose impossible. Qu’est-ce qu’il vient de me demander ? Ne sçait-il pas que tant que nostre amitié a esté mutuelle, j’ay esté à luy, et il a esté à moy, et en ce temps-là il a peu disposer de moy par les loix de l’amitié, comme d’une chose sienne ? Que s’il m’a donné à Calidon, par quelle raison me peut-il plus pretendre sienne ? S’il a quelque affaire de moy, qu’il recourse à celuy à qui il m’a cedée, et s’il me peut r’avoir de luy, qu’il revienne à la bonne heure, je verray apres ce que j’auray à faire. Mais s’il l’en refuse, qu’il ne se plaigne plus de moy, ny ne me demande plus l’amitié qu’il a quitté, mais que seulement il se ressouvienne de ne donner une autre fois ce qu’il pensera luy estre necessaire.

Il m’a sacrifiée, à ce qu’il dit, pour la santé de Caldion, monstrant en cela qu’il l’avoit plus cher que moy. Et bien, à la bonne heure ! Mais ne se contente-t’il que son sacrifice ait esté receu, et que son cher Calidon ait esté rappellé du tombeau ? Ou bien, veut-il retirer ingrattement comme sacrilege, ce qu’il a voué aux manes de son frere ? Oste, Thamire, ceste pensée