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d’une fievre ardente, et commettant tant de fautes, que le nom en est aussi diffamé parmy les personnes d’honneur, que l’autre est estimable et honorée. Or j’advoueray donc sans rougir que Thamire a esté aymé de moy : mais incontinent j’adjouteray, pour sa vertu, et que de mesme j’ay esté aymé de Thamire, mais selon la vertu. Que si Calidon me demande comment je puis discerner ces deux sortes d’affections, puis qu’elles prennent quelques fois l’habit l’une de l’autre, je luy responderay, que la sage Cleontine m’enseignant comment j’avois à vivre parmy le monde, me donna ceste difference de ces deux affections : Ma fille, me dit-elle, l’aage qui par l’experience m’a fait cognoistre plusieurs choses, m’a appris que la plus seure cognoissance procede des effects. C’est pourquoy, pour discerner de quelle façon nous sommes aymées, considerons les actions de ceux qui nous ayment : si nous voyons qu’elles soient dereglées et contraires à la raison, à la vertu, ou au devoir, fuyons les comme honteuses ; si, au contraire, nous les voyons moderées, et n’outrepassant point les limites de l’honnesteté, et du devoir, cherissons les et les estimons comme vertueuses.

Voilà, berger, la leçon qui m’a faict cognoistre que je devois cherir l’affection de Thamire, et fuir la tienne : car quels effects m’a produits celle de Calidon ? Il ne faut point les particulariser