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caillou qui est frappé, et qui auparavant estoit froid et sans apparence de chaleur ? Mais, me direz-vous, ne te permis-je pas de l’aymer comme ta sœur, à fin que bornant de ceste sorte tes desirs, tu n’offençasses ny toy ny moy : toy en ne te contraignant pas trop, et moy en n’outrepassant point les limites que je t’avois ordonnées ? O grande nymphe, considerez, je vous supplie, quel commandement est celuy-cy. Thamire me met devant les yeux une beauté infinie, me permet de la praticquer, me commande de l’aimer, mais il veut que mon amour n’outre-passe point cette borne, et que je la renferme sous une amitié de frere O dieux ! et quel m’estime-t’il ? Cest amour qui remplissant cet univers, en rempliroit encore sans nombre, si sans nombre il y avoit des univers, cest amour qui gouverne et les hommes et les dieux, et qui dispose d’eux et de leurs affections à sa volonté, et qui ne se gouverne à la volonté de personne, sera donc renfermé dans les limites qu’il me prescrit et m’ordonne ? Mais quelle opinion avoit-il conceu de moy ? pensoit-il que j’eusse plus de puissance que les hommes ny les dieux, voire que tout l’univers ? Il me devoit pour le moins mesurer à luy-mesme, et s’il avoit peu contenir ses affections dans quelques bornes, me commander d’en faire de mesme, et