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vouloir que ce qu’il luy plaist. Que s’il m’advient jamais de sortir de vos commandemens pour quelque autre occasion que ce puisse estre ô dieux !

ne disposez point autrement la fin de mes jours, que comme celle du plus ingrat qui ait jamais vescu.

Mais, mon pere, en ce que je suis forcé, pardonnez à ma faiblesse, et m’aydez à me plaindre à vous, de vous-mesme : car n’estes-vous pas la cause de cest amour ? Pourquoy, puisque cela despendoit de vous, me r’appallates vous d’entre les Boyens, avant que vous eussiez espousé Celidée ? Pouviez-vous penser que vous appartenant, je n’eusse pas quelque simpathie avec vous, et que par ainsi il y avoit du danger que je ne l’aimasse ? Mais direz-vous, je te pensois si bien nay, que te commandant, comme je fis, de ne l’aimer point, tu t’en empescherois, et me rendrois ce respect de ne la regarder que comme ta sœur. Et comment, sage Thamire, est-il possible que vous ne vous soyez pas ressouvenu de l’imprudence de la jeunesse ? Et que c’est le naturel, non seulement de ceux qui sont en tel aage, mais generalement de tous les hommes, de s’efforcer contre les choses deffendues ? et me defendre de l’aimer avant que je l’eusse veue, qu’estoit-ce autre chose que m’en donner la volonté par les oreilles, avant qu’elle me fust venue par les yeux ? Qu’estoit-ce sinon esveiller mes desirs, et me faire tout étinceller de feu, comme le