Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/97

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’autres, une seule chose vous en doit rendre certain ; si je vous aimois point, qui me feroit mespriser le contentement de mes parens ? Si vous considerez combien je leur doy, vous cognoistrez en quelque sorte la qualité de mon amitié, puis que non seulement elle contrepese, mais emporte de tant un si grand poids. Et à Dieu : ne soyez plus incredule.

En mesme temps Silvie rapporta la lettre, et Galathée luy dit avec beaucoup de desplaisir, qu’il aimoit, et que de plus il estoit infiniment aimé, et luy releut la lettre, qui luy touchoit fort au cœur, voyant qu’elle avoit à forcer une place, où un si fort ennemy estoit desja victorieux ; car par ces lettres, elle jugea que l’humeur de ceste bergere n’estoit pas d’estre à moitié maistresse, mais avec une tres-absolue puissance, commander à ceux qu’elle daignoit recevoir pour siens. Elle fortifia beaucoup ce jugement, quand elle leut la lettre qui avoit esté seichée ; elle estoit telle.

lettre d’Astrée a Celadon

Lycidas a dit à ma Phillis que vous estiez aujourd’huy de mauvaise humeur : en suis-je cause, ou vous ? si c’est sans occasion ; car ne veux-je pas tousjours vous aimer, et estre aimé de vous ? et ne m’avez vous mille fois juré que vous ne desiriez que cela pour estre content ? Si c’est vous, vous me faites tort, de disposer sans que je le sçache, de qui est à moy ; car par la donation que vous m’avez faites, et que j’ay receue, et vous et tout ce qui est de vous m’appartient. Advertissez m’en donc, et je verray si je vous en doy donner permission, et cependant je le vous deffends.

Avec quel empire, dit alors Galathée, traicte ceste bergere ? – Elle ne luy fait point de tort, respondit Silvie, puis qu’elle l’en a bien adverty dés le commencement. Et sans mentir, si c’est celle que je pense, elle