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bien que toutes les autres, et combien peu de chose luy restoit de tant de faveurs, qui en fin restoient sans plus un bracelet de cheveux qu’il avoit au bras, et un portrait qui lui pendoit au col, duquel il baisa la boite plusieurs fois ; pour la bague qu’il avoit à l’autre bras, il croyoit que ce fust plustost la force, que sa bonne volonté qui la luy eust donnée.

Mais tout à coup il se ressouvint des lettres, qu’elle luy avoit escrites, durant le bonheur de sa fortune, et qu’il portoit d’ordinaire avec luy dans un petit sac de senteur. O quel tressaut fut le sien ! car il eut peur que ces nymphes fouillant ses habits ne l’eussent treuvé. En ce doute il appella fort haut le petit Meril, car pour le servir il estoit couché à une garderobe fort proche. Le jeune garçon s’oyant appeller coup sur coup, deux ou trois fois, vint sçavoir ce qu’il luy vouloit. Mon petit amy, dit Celadon, ne sçais-tu point que sont devenus mes habits ? car il y a quelque chose dedans qu’il m’ennuyeroit fort de perdre. – Vos habits, dit-il, ne sont pas loing d’icy, mais il n’y a rien dedans, car je les ay cherchez. – Ah ! dit le berger, tu te trompes, Meril, j’y avois chose que j’aimerois mieux avoir conservé que la vie. Et lors se tournant de l’autre costé du lict, se mit à pleindre et tourmenter fort long temps. Meril qui l’escoutoit, d’un costé estoit marry de son desplaisir, et de l’autre estoit en doute, s’il devoit dire ce qu’il en sçavoit. En fin ne pouvant supporter de le voir plus longuement en ceste peine, il luy dit, qu’il ne se devoit point tant ennuyer, et que la nymphe Galathée l’aymoit trop pour ne luy rendre une chose qu’il monstroit d’avoir si chere. Alors Celadon se tourna vers luy : Et comment [dit-il] la nymphe a-t’elle ce que je te demande ? – Je croy [respondit-il] que c’est cela mesme. Pour le moins je n’y ay trouvé qu’un petit sac plein de papier ; et ainsi que je le vous