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L’AVTHEUR
A LA BERGERE
ASTRÉE.


Il n’y a donc rien, ma bergere, qui te puisse plus longuement arrester pres de moy ? Il te fasche, dis tu, de demeurer plus longtemps prisonniere dans les recoins d’un solitaire Cabinet, et de passer ainsi ton aage inutilement. Il ne sied pas bien, mon cher enfant, à une fille bien née de courre de ceste sorte, et seroit plus à propos que te renfermant ou parmy des chastes Vestales et Druydes, ou dans les murs privez des affaires domestiques, tu laissasses doucement couler le reste de ta vie ; car entre les filles celle-là doit estre la plus estimée dont l’on parle le moins. Si tu sçavois quelles sont les peines et difficultez, qui se rencontrent le long du chemin que tu entreprens, quels monstres horribles y vont attendans les passants pour les devorer, et combien il y en a eu peu, qui ayent rapporte du contentement de semblable voyage, peut-estre t’arresterois-tu sagement, où tu as este si longuement et doucement cherie. Mais ta jeunesse imprudente, qui n’a point d’experience de ce que je dis, te figure peut-estre des gloires et des vanitez qui produisent en toy ce desir. Je voy bien qu’elle te dit, que tu n’es pas si desagreable, ny d’un visage si estrange, que tu ne puisses te faire aimer à ceux qui te verront, et que tu ne seras pas plus mal receue du general,