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plus part estoient descendus en la basse ville pour voir le marché, et pour se pouvoir de ce qui estit necessaire pour leur garnison. Estans là ils offroient à si bon prix leurs denrées, que presque tous ceux qui estoient dedans, sortirent pour en achepter. Lors mon pere voyant l’occasion bonne, saisissant au collet celuy qui gardoit la porte, luy mit l’espée dans le corps, et chacun de ses compagnons comme luy, se deffit en mesme instant du sien, et entrant dedans mirent le reste au fil de l’espée. Et soudain serrant la porte coururent aux prisons, où ils trouverent Clindor dan sun cachot, et tant d’autres, qu’ils se jugerent, estans armez, suffisans de defaire le reste de la garnison.

Pour abreger, je vous diray, madame, qu’encore que pour l’alarme, les portes de la ville fussent fermées, si les forcerent-ils sans perdre un seul homme, quoy ue legouverneur, qui en fin y fut tué, y fist toute la resistance qu’il peut. Ainsi voilà Clindor sauvé, et Alaric averti que c’estoit mon pere qui avoit fait ceste entreprise, dequoy il se sentit tant offensé, qu’il en demanda justice à Amasis, et elle qui ne vouloit perdre son amitié, s’affectionna beaucoup pour le contenter, et envoya incontinent pour se saisir de mon pere. Mais ses amis l’en advertirent si à propos, qu’ayant donné ordre à ses affaires, il sortit hors de ceste contrée, et piqué contre Alaric plus qu’il n’est pas croyable, s’alla mettre avec une nation, qui depuis peu estoit entrée en nos Gaules, et qui, our estre blliqueuse, s’estoit saisie des deux bords du Rhosne et de l’Arar, et d’une partie des Allobroges. Et parce que desireux d’aggrandir leurs terres, ils faisoient continuellement la guerre aux Visigotz, Ostrogots et Romains, il y fut tres-bien receu avec tous ceux qu’il vulut conduire, et estant cogneu pour homme de valeur, fut incontinent honoré de diverses charges. Mais