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apres mille sermens u contraire, r’entra le dire à ceste dame, qui mesme s’estoit levée pour oyr leur discours. Et quand elle sceut que Clindor en avoit esté l’inventeur, elle tourna toute sa colere contre luy, pardonnant aisément à Alcippe qu’elle ne pouvoit hair toutesfois depuis ce jour elle ne l’envoya plus querir.

Et parce qu’un esprit offensé n’a rien de si doux que la vengeance, ceste femme tournera tant de tous costez, qu’elle fit une querelle à Clindor, pour laquelle il fut contraint de se battre contre un cousin de Pimandre, qu’il tua, et quoy qu’il fust poursuivy, il se sauva en Auvergne avec l’aide d’Alcippe. Mais Amasis fit en sorte, qu’Alaric Roy des Visigoths estant pour lors à Usson, avec commandement à ses officiers de le remettre entre les mains de Pimandre, qui n’attendoit pour le faire mourir que d’avoir la commodité de l’ebvoyer querir. Alcippe ne laissa rien d’intenté pour obtenir son pardon, mais ce fut en vain, car il avoit trop forte partie. C’est pourquoy voyant la perte asseurée de son amy, il delibera, à quelque hazard que ce fust, de le sauver.

Il estoit pour lors à Usson, comme je vous ay dit, place si forte qu’il eust semblé à tout autre une folie de vouloir entreprendre de l’en sortir. Son amitié, toutesfois, qui ne trouvoit rien de plus mal-aisé que de vivre sans Clindor, le fit resoudre de devancer ceux qui y alloient de la part de Pimandre. Ainsi feignant de se retirer chez soy mal content, il part luy douziesme, et un jour de marché se présentent à la porte du chasteau tous vestus en villageois, et portant sous leurs jupes de courtes espées, aux bras des paniers, comme personnes qu alloient vendre. Je luy ay ouy dire qu’il y avoit trois forteresses, l’une dans l’autre ; ces resolus paysans vindrent jusques à la derniere, où peu de Visigoths estoient restez, car la