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tels vers, et parce qu’il avoit la voix assez bonne, chacun se teut pour l’escouter.

Sonnet


Sur les contraintes de l’honneur.

Chers oyseaux de Venus, aymables tourterelles,
Qui redublez sans fin vos baisers amoureux,
Et lassez, à l’envy renouvellez par eux
Ores vos douces paix, or’vos douces querelles.

Quand je vous voy languir, et trémousser des aides,
Comme ravis de l’aise où vous estes tous deux,
Mon Dieu, qu’à nostre egard je vous estime heureux
De jouir librement de vos amours fidelles !

Vous estes fortunez de pouvoir franchement
Monstrer ce qu’il nous faut cacher si finement
Par les injustes loix que cet honneur nous donne:

Honneur feint qui nous rend de nous mesme ennemis,
Car le cruel qu’il est, sans raison il ordonne
Qu’en amour seulement le larcin soit permis.

Depuis ce temps, Alcippe se laissa tellement transporter à son affection, qu’il n’y avoit plus de borne qu’il n’outre-passast, et elle au contraire se monstroit tousjours plus froide, et plus gelée envers luy; et sur ce sujet, un jour qu’il fut prié de chanter, il dit tels vers.


Madrigal


Sur la froideur d’Amarillis.

Elle a le cœur de glace, et les yeux tous de flamme,
Et moy toutau rebours
Je gele par dehors, et je porte tousjours
Le feu dedans mon ame.

Helas ! c’est que l’Amour
A choisi pour sejour
Et mon cœur et les yeux de ma belle bergere.