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à ce que vous parlez d’amour, croyez que je n’en veux avoir, ny dans les yeux, ny dans le coeur pour personne, et moins pour ces esprits abaissez, qui vivent comme des sauvages dans les bois. – Je cognois bien, repliqua le berger, que ce n’est point election d’amour, mais ma destinée, qui fait estre vostre, uis que si l’amour doit naistre de ressemblance d’humeur, il seroit bien mal-aisé qu’Alcippe n’en eust pour vous, qui dés le berceau a eu en haine ceste vie champestre, que vous meprises si fort. Et vous proteste, s’il ne faut que changer de condition pour avoir part en vos bonnes graces, que dés icy je quitte la houlette, et les trouppeaux, et veux vivre entre les hommes, et non point entre les sauvages. – Vous pouvez bien, repondit Amarillis, changer de cndition, mais non pas m’en faire changer, estant resolue de n’estre jamais moins à moy que je suis, pour donner place à quelque plus forte affection. Si vous voulez donc que nous continuons de vivre, comme nous avons fait par le passé, changez ces discours d’affection et d’amour, en ceux que vous souliez me tenir autresfois, ou bien ne trouver point estrange que je me banisse de vostre presence, estant impossible qu’amour et l’honnesté d’Amarillis puissent demeurer ensemble.

Alcippe qui n’avoit point attendu une telle response, se voyant si éloigné de sa pensée, fut tellement confus en soy-mesme, qu’il demeura quelque temps sans luy pouvoir respondre ; en fin estant revenu, il tascha de se persuader, que la honte de son aage et de son sexe, et non pas faute de bonne volonté envers luy, luy avoit fait tenir tels propos. C’est pourquoy illuy respondit : Quelle que vous me puissiez estre, je ne seray jamais autre que vostre serviteur, et si le commandement que vous me faites n’estoit incompatible avec mon affection, vous devez croire qu’il n’