veis jamais hormis ma chere Cleon, mais ces trois là peuvent aller de pair. – Quelqu’autre, adjousta Celadon, en dira de mesme de sa maistresse, car l’amour a cela de propre, non pas de boucher les yeux comme quelques-uns croyent de changer les yeux de ceux qui aiment en l’amour mesme, et d’autant qu’il n’y eut jamais laides amours, jamais un amant ne trouva sa maistresse laide. – Cela respondit le berger, seroit bon si j’aymois Astrée et Diane, mais n’en estant plus capable, j’en suis juge sans reproche. Et vous qui doutez de la beauté de ces trois bergeres, estes-vous estranger, ou bien si la haine vous fait commettre l’erreur contraire à celuy que vous dites proceder de l’amour ? – Je ne suis nul des deux, dit Celadon, mais ouy bien le plus miserable et plus affigé berger de l’univers. – Cela, dit Tircis, ne vous advoueray-je jamais, si vous ne m’ostez de ce nombre. Car si vostre mal procede d’autre cause que d’amour, vous playes ne sont pas si douloureuses que les miennes, d’autant que le cœur estant la partie la plus sensible que nous ayons, nou en ressentons aussi plus vivement les offenses. Que si vostre mal procede d’amour, encor faut-il qu’il cede au mien, puis que de tous les maux d’amour il n’en y a pint de tel que celuy nie l’esperance, ayant ouy dire de long temps que là où l’espoir peut seulement laicher nostre playe, elle n’est aussi tost plus endolue. Or cest espoir peut se mesler en tous les accidents d’amour, soit desdain, soit courroux, soit haine, soit jalousie, soit absence, sinon où la mort a pris place ; car ceste pasle déesse, avec sa fatale main, couppe d’un mesme tranchant l’espoir, dont le filet de la vie est couppé. Or moy, plus miserable que les plus miserables, je vay plaignant un mal sans remede et sans espoir.
Celadon alors luy respondit avec un grand souspir :