Donques, s’approchant de luy: Ainsi luy dit-il, triste berger, Dieu te donne le contentement que tu regrettes, comme de bon cœur je l’en prie. Et ne pouvant d’avantage, tu dois recevoir ceste priere de bonne part. Que si elle t’oblige à quelque ressentiment de courtoise, dy-moy, je te supplie, si tu cognois Astrée, Phillis et Lycidas, et si cela est, dy m’en ce que tu en sçais. – Gentil berger, respondit-il, tes paroles courtoises m’obligent à prier le Ciel, en eschange de ce que tu me souhaittes, qu’il ne te donne jamais occasion de regretter ce que je pleure, et de plus de te dire tout que je sçay des personnes dont tu me parles, quoy que la tristesse avec laquelle je vy, me deffende de me mesler d’autres affaires que miennes.
Il peut y avoir un mois et demy que je vins en ce pays de Forests, non point comme plusieurs pour essayer la fontaine de la Verité d’amour ; car je ne suis que trop asseuré de mon mal, sans en avoir de nouvelles certitudes, mais suivant le commandement d’un dieu qui des rives herbeuses de la glorieuse Seine, m’a envoyé icy avec asseurance que j’y trouverois remede à mon desplaisir. Et depuis, la demeure de ces villages m’a semblé si agreable et selon mon humeur, que j’ay resolu d’y demeurer aussi longuement que le Ciel me le voudra permettre. Ce dessein a esté cause que j’ay voulu sçavoir l’estre et la qualité de la pluspart des bergers, et bergeres de la contrée ; et parce que ceux dont vous me demandez des nouvelles sont les principaux de ce hameau, qui est delà l’eau vis à vis d’icy, où j’ay choisi ma demeure, je vous en sçauray dire presque autant que vous en pourriez desirer. – Je ne veux, adjousta Celadon, en sçavoir autre chose sinon comme ils se portent.
Tous, dit-il, sont en bonne santé. Il est vray que comme la vertu est tousjours celle qui est la plus agitée, ils ont eu un coup de l’aveugle et muable fortune, qu’ils resentent jusques en l’ame, qui est la porte de Celadon, un berger que je