ce que vous m’avez promis ? – Je m’estimerois, respondit le berger, le plus indigne qui ait jamais vescu si j’y faillois. – Or, Celadon, dit-elle, alors ressouvenez-vous donc de ce vous m’avez juré, car je suis resolue à cet’heure d’en tirer preuve. – Belle nymphe, respondit Celadon, disposez de tout ce que je puis comme de ce que vous pouvez, car vous ne serez point mieux obeye de vous mesme que de mos. – Ne m’avez-vous pas promis, repliqua la nymphe, que je recherchasse vostre vie passée, et que je trouverois que vous pouriez faire pour moy, vous le feriez ? Et luy ayant respondu qu’il estoit vray. Or-bien, Celadon, continua-t’elle j’ay fait ce que vous m’avez dit. Et quoy que l’on peigne Amour
aveugle, si m’at’il laissé assez de lumiere pour cognoistre que veritablement vous devez continuer l’amour que vous avez si souvent promise eternelle à vostre Astrée ; car les degoustemens d’amour ne permettent que l’on soit ny parjure ny infidele. Et ainsi, quoy que l’on vous ait mal traité, vous ne devez pas faillir à ce que vous devez, car jamais l’erreur d’autruy ne lave nostre faute. Aymez donc la belle et heureuse Astrée, avec autant d’affection et de sincerité que vous l’aimastes jamais, servez-la, adorez-la, et plus encor s’il se peut, car amour veut l’extremité en son sacrifice. Mais aussi j’ay bien cogneu que les bons offices que je vous ay rendus meritent quelque recognoissance de vous, et sans doute, parce qu’amour ne peut se payer que par amour, vous seriez obligé de me satisfaire en mesme monnoye, si l’impossibilité n’y contredisoit. Mais puis qu’il est vray cœur n’est capable
que d’un vray amour, il faut que je me paye de ce qui vous reste ; doncques n’ayant plus d’amour à me donner comme à maistresse, je vous demande vostre