mettre en un crotton avec les fers aux pieds et aux main, resolu qu’il estoit de la laisser mourir de misere leans.
Jugez en quel estat ceste jeune fille se trouva et quels regrets elle devoit faire contre amour. Ses vivres estoient mauvais et sa demeure effroyable et toutes les autres incommoditez tres grandes ; que si non affection n’eust supporté ces choses, il est impossible qu’elle n’y fust morte.
Mais cependant la voix s’espandit par toute la Neustrie que Lydias par le moyen d’un sien amy avoit etsté sauvé des prisons de Calais, et qu’il estoit alleé servir le Roy Meroüe, Cela fut cause qu’en mesme temps son bannissement fut renouvellé et declaré traistre a sa partie ; luy toutesfois ne faillit point de venir au camp des Francs, òu cherchant la tente de Clidaman, elle luy fust monstrée.
Aussi tost qu’il l’apperceut, et que Lindamor et Guyemants le virent, ils couruent l’embrasser, mais avec tant d’affection et et de courtoise qu’il en demeura estonée, car ils le prenoient tous pour Ligdamon, qui peu de jours auparavant s’estoit perdu en la bataille qu’ils avoient eue contre les Neustriens, auquel il ressembloit de sorte, que tous ceux qui cognoissoient Ligdamon y furent deceus. En fin ayant esté recogneu pour estre Lydias, l’ami de Melandre, il fut conduit à Meroüe, où en presence de tous ; Lydias raconta au roy le-discours de sa prison tel que vous avez ouy, et la courtoisie que par deux fois il avoit receue de ce chavalier incogneu, et pour la fin le commandement qu’il luy avoit faict de le venir servir, et particulierement Clidaman. Alors Clidaman, apres que le Roy l’eust receu et remercié de son amitié luy dit: Est-il possible, Lydias, que vous n’ayez point cogneu celuy qui a combatu, et qui est en prison pour vous ? – Non, certes, dit-il. – O vrayement, adjousta-t-il, voilà la plus grande mescognoissance dont j’aye jamais