mes mains. Ce jeune chevalier est venu icy pour cest effet: s’il le fait, tu es en liberté.
Melandre durant ce peu de mots avoit tousjours trouvé le moyen de tenir le visage de costé pour n’estre recogneue, et quand elle voulut respondre, elle toura tout à fait contre Lypandas, et luy dit: Ouy, Lypandas, je l’ay promis et je le fais. Toy, observe aussi bien ta parole, car je suis celuy que tu demandes: me voicy, que ne redoute ny rigueur, ny cruauté quelconque pourveu que mon amy sorte de peine.
Alors chacun mit les yeux sur elle, et repassant par la memoire les façons de celuay qui avoit combatu, on cogneut qu’elle disoit vray. Sa beauté, sa jeunesse et son affection esmeurent tous ceux qui estoient presens, sinon Lypandas, qui se croyant infiniment offensé de luy, commanda incontinent qu’elle fust mise en prison, et permit que Lydias s’en allast. Luy qui desiroit plustost se perdre que de se voir obliger en tant de sortes, faisoit quelque difficulté. Mais Melandre s’approcha de luy dit à l’aureille: Lydias, allez-vous-en, car de moy n’en soyez en peine ; J’ay un moyen de sortir de ces prison si facile que ce sera quand je vondray. Que si vous desirez de faire quelque cose à ma consideration, je vous supplie d’aller servir Meroüé et poarticulierement Clidaman qui est cause que vous estes en liberté et luy dites que c’est de ma part que vous y allez. – Et sera-t’il possible, dit Lydias, que je m’en aille sans sçavoir qui vous estes ? – Je suis, respondit-elle, le Chevalier Triste, et cela vous suffise jusau’a ce que vous ayez plus de commdodité d’en sçavoir d’avantage.
Ainsi s’en alla Lydias en resolution de servir le roy des Francs puis que celuy à qui il devoit deux fois la vie le vouloit ainsi. Mais cependant Lypandas commanda tres-expressement que Melandre fust bien gardée, et la fit