Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/615

Cette page n’a pas encore été corrigée

à propos qu’il vint heurter Lypandas de telle furie, qu’il le porta les pieds contrmont ; mais en passer il luy donna de l’espée dans le corps si avant que peu apres je le sentis faillir dessous moy, et ce ne fut peu que je me ressouvinsse d’oster les pieds des estrieux ; car presce incontinent il tomba mort, par ma bonne fortune, si loing de Lypandas que j’eus loisir de sortir de la selle, et me dépestrer de mon cheval.

Alors je m’en vins à luy qui desjà s’approchoit l’espée haute pour me frapper, et faut que je die que si Amour n’eust soustenu le faix des armes, je m’avois point de force qui le peust faire. En fin voicy Lypandas qui de toute sa force me deschargea un coup sur la teste ; la nature m’apprit à mettre le bras gauche devant, car autrement je ne me ressouvenois pas de l’escu que j’avois en ce bras-là. Le coup donna dessus si à plein, que n’yant la force de le soustenir, mon escu me redonna un si grand coup contre la sallade, que les estincelles m’en vindrent aux yeux. Luy qui voyoit que je chancelois, me voulut recharger d’un autre encore plus pesant, mais ma fortune fut telle, que haussant l’espée, je recontray la sienne si à propos du trenchant, qu’elle se mit en deux pieces, et las mienne à moitié rompue fit comme la soenne au premier coup que je luy voulus donner, car il esquiva, et moy n’ayant la force de la retenir, je las laissay tomber jusques en terre où de la pointe je recontray une pierre qui la rompit.

Lypandas alors voyant que nous estions deux avec mesme advantage me dit: Chevalier, ces armes nous ont esté esgalement favorables, je veux essayer si les autres en seront de mesme, et pour ce desarmez-vous, car c’est ainsi que je veux fin ir ce combat.

– Chevalier, luy respondis-je, à ce qui s’est passé vous pouvez bien cognoistre que vous avez le tort, et delivrant