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point tué Aronte en hom me de bien, et que s’il n’estoit condamné par las justice, il le luy maintiendroit avec les armes, mais qu’estant honteux de se battre avec un crminel, s’il a avoit quelqu’un de ses amis qui se presentast pour luy, il s’offroit de le combattre sur ceste querelle ; que s’il estaoit vaincu, il le mettroit en liberté, qu’autrement la justice en seroit faicte, et que pour donner loisir à ses parents et amis, il le garderoit un mois en sa puissance ; que si personne ne se presentoit dans ce temps, il le remettroit entre les rigoureuses mains des anciens de Rothomague, pour estre traitteé selon des merites. Et qu’a fin qu’il n’y eust point d’avantage pour personne, il vouloit que se fist avec l’espée et le poignard, et en chemise. Mais Lypandas estant estimé l’un des plus vaillans hommes de toute la Neustrie il n’y avoit personne qui eust la hardiesse d’entreprendre le combat, outre que les amis de Lydias n’en estans pas advertis, ne pouvoient luy rendre ce bon office.

O seigneur chevalier ! Quand je me ressouviens des contrarietez qui me combattirent oyant ces nouvelles, il faut que j’advoue que je ne fus de ma vie si confuse, non pas mesme quand ce perfide me laissa. Alors Amour voulut que je recogneusse les propositions faites contre luy estre plus impuissantes quand il vouloit, que les flots n’aboyent en vain contre u roche pour l’esbranler, car il fallut, pour payer le tribut d’amour, recourre à l’ordinaire monnoye dont l’on paye ses imposts, qui sont les larmes.

Mais apres avoir longuement, et vainement pleuré l’infidelle Lydias, il fallut en fin que je me resolusse à sa conservation, quoy qu’elle me deust couster et le repos et l’honneur. Et transportée de ceste nouvelle fureur, ou plustost de ce renouvellement d’amour, je resolus d’aller à Calis