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ay eues de Clidaman et de Lindamor me resjouissent de sorte, que je n’ay peu en en jouyr seule plus longuement, C’est pourquoy je viens vous en faire part et veux que vous reveniez avec moy à Marcilly, où je fais faire le feux de joye de si bonnes nouvelles. – Je loue Dieu, respondit Galathée, de tant de bon-heur, et le supplie de le vous conserver un siecle. Mais à la veriteé, madame, ce lieu est si agreable, qu’il me fait soucy de le laisser. – Ce ne sera pas, repliqua Amasis, pour long temps. Mais parce que je ne veux m’en retourner que sur le soir. Allons nous promener, et je vous diray tout ce que j’ay appris.

Alors Adamas luy baisa la robbe et luy dit: Il faut bien, madame, que vos nouvelles soient bonnes, pui que pour les dire à madame vostre fille, vous estes partie si matin. – Il y a des-ja, dit-elle deux ou trois jours que les receus, et fis incontinent resolution de venir, car il ne me semble pas que je puisse jouir d’un contentement troute seule, et puis certes la chose merite bien d’estre sceue.

Avec semblables discours, elle descendit dans le jardin, où commençant son promenoir, ayant mis Galathée d’un costé, et Adamas de l’autre, elle reprit de ceste sorte:

Histoire de Lydias et de Melandre

Considerant les estranges accidents qui arrivent par l’amour, il me semble que l’on est presque contraint d’avouer que si la fortune a plusieurs roues pour hausser et baisser, pour tourner et changer les choses humaines, la roue d’amour est celle dont elle se sert le plus souvent, car il n’a a rien, d’où l’on voye sortir de changements que de ceste passion. Les exemples en sont tous les jours devant nos yeux si communs, que se seroit superfluité de les rendire ; toutefois il faut que vous advouyez, quand vous aurez entendu ce que je veux dire, que cet accident est un des plus remarquables que vous en ayez encores ouy ranconter.

Vous sçavez comme Clidaman par hazard devint serviteur de Silvie, et comme Guyemants, par la lettre qu’il luy porta de son frere, en devint aussi amoureux. Je m’asseure que depuis vous n’avez point ignoré le dessein qui les fit partir tous deux si secrement pour alle trouver Merouè, ny que, pour ne laisser point Clidaman seul en lieu si esloigné, j’envoyay apres luy sous la charge de Lindamor une partie des jeunes chavaliers de ceste contrée. Mais difficilement pourrez-vous avoir entendu ce qui leur est advenu depuis qu’ils sont partis, et c’est ce que je veux vous raconter à cet’heure, car il n’y a rien qui ne merite d’estre sceu.