toute estendue, l’autre retirée comme de douleur, un bras engagé sous le corps, y ayant esté surpris pour la promptitude de la cheute, et n’ayant eu la force de le r’avoir, l’autre languissant le long du corps, quoy qu’il serre encor mollement l’espieu de la main, la teste penchée sur l’espaule droitte, les yeux à demy fermez et demy tournez, en tel estat qu’allez voir on juge bien que c’est un homme aux trances de la mort, la bouche entr’ouverte, les dents en quelques endroits un peu descouvertes, et l’entre-deux du nez fort retiré, tous signes d’une prompte mort. Aussi ne le figure-t’il pas icy pour mort entierement, mais pour estre entre la mort et la vie si entre elles il y a quelque separation.
Voicy l’espieu bien representé: voyez comme cest espaisseur de son fer est à moitié cachée dans la playe, et la houppe d’un costé toute sanglante, et de l’autre blanche encores, comme estoit sa premiere douleur. Mais quelle a esté la diligence du peintre! il n’a pas mesme oublié les cloux qui vont comme serpentant à l’entour de la hante, car les plus pres de la larme, aussi bien que le bois sont tachez de sang; il est vray que par dessous le sang on ne laisse pas de recognoistre la doreure. Or condiderons le rejaillissement du sang en sortant de la playe: il semble à la fontaine, qui conduite par les longs canaux de quelque lieu fort relevé, lors qu’elle a esté quelque temps contrainte et retenue en bas, aussi tost qu’on luy donne ouverture, saulte de furie çà et là. Car voyez ces rayons de sang, comme ils sont bien representez! considerez ces bouillons qui mesme semblent se souslever à eslans! Je croy que la nature ne sçauroit rien representer de plus naïf.
Mais voyons cet autre tableau.