que vous verrez si vous tournez la veue en ça dans l’eau jusques à la ceinture. Considerez comme ces jeunes arbres courbez le couvrement des rayons de soleil, et semble presque estre joyeux qu’autre qu’eux ne le voye. Et toutefois la curiosité du soleil est si grande, qu’encores entre les diverses feuilles, il trouve passage à quelques-uns de ses rayons. Prenez garde comme ceste ombre et ceste clairté y sont bien representées. Mais certes il faut aussi advouer que ce berger ne peut estre surpassé en beauté. Considerez les traits delicats et proprotionnez de son visage, sa taille droitte et longue, ce flanc arrondy, cest estomac relevé, et voyez s’il y a rien qui ne soit en perfection. Et encore qu’il soit un peu courbé pour mieux se sevir de l’eau, et que de la main droicte il frotte le bras gauche, si est-ce qu’il ne fait action qui empesche de recognoistre sa parfaicte beauté.
Or jettez l’oeil de l’autre costé du rivage, su vous ne craignez d’y voir le laid en sa perfection, comme en la sienne vous avez veu le beau, car entre ces ronces effroyables vous verrez la magicienne Mandrague, contemplant le berger en son bain. La voicy vestue presque en despit de ceux qui la regardent, eschevelée, un bras nud, et la robbe d’un costé retroussée plus haut que le genouil. Je croy qu’elle vient de faire quelques sortileges, mais jugez icy l’effect d’une beauté.
Ceste vieille que vous voyez si ridée qu’il semble que chaque moment de sa vie ait mis un sillon en son visage, maigre, petite, toute chenue, les cheveux à moitié tondus, toute accroupie, et selon son aage plus propre pour le cercueil que pour la vie n’a honte de s’esprendre de ce jeune berger. Si l’amour vient de la sympathie, comme on dit, je ne sçais pas bien que l’on pourra trouver entre Damon et elle. Voyez quelle mine elle