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force, le fait tellement resserrer en un monceau, quìl semble presque rond. Le devoir mesme des chiens n’y est pas oublié, qui pour s’opposer aux courses des loups, se tiennent comme trois sentinelles, sur des lieux relevez, à fin de voir de plus loin, ou comme je pense, à fin de se voir l’un l’autre, et se secourir en la necessité.

Mais considerez la soigneuse industrie du peintre: au lieu que les chiens qui dorment sans soucy, ont accoustumé de se mettre en rond et bien souvent se cachent la teste sous les pattes, presque pour se desrober seulement; car ils sont couchez sur leurs quarte pieds, et ont le nez tout le long des jambes de devant, tenans tousjours le yeux ouverts aussi curieusement qu’un homme sçauroit le faire. Mais voyons l’autre tableau.

Tableau deuxiesme

Voicy le second tableau que est bien contraire au precedent, car si celuy là est plein de mespris, cestuy-cy l’est d’amour; s’il ne monstre qu’orgueil, cestuy-cy ne fait paroistre que douceur et soumission, et en voyez-vous icy la cause. Regardez cette bergere assise contre ce buisson, comme elle est belle, et proprement vestue: ses cheveux relevez par devant, s’en vont folastrant en liberté sur ses espaules, et semble que le vent, à l’envy de la nature, par son souffle les aille recrespant en onde, mais c’est que jaloux des petits amours que s’y trouvent cachez, et qui vont y tendant leurs lacs,il les en veut chasser. Et de fait voyez-en quelques uns emportez par force, d’autres qui se tiennent aus noeuds qu’ils y ont faits, et d’autres qui essayent d’y retourner, mais ils ne peuvent, tant leur aisle encore foiblette est contrariée de l’