heure, je m’asseure que le temps descouvrira ma justice. Et cependant j’eslis plustost la mort que de manquer à l’affection que j’ay promise à la belle Silvie, à qui je consacre ma vie, ne pouvant autrement satisfaire à toutes deux.
Et lors il continua: O belle Silvie, reçoy ceste volonté que je t’offre, et permets que ceste derniere action soit de toutes les miennes la mieux receue, puis qu’elle s’en va emprainte de ce beau caractere de ma fidelité.
Peu à peu le poison alloit gaignant les esprits de ces deux nouveaux espousez, de sorte qu’à peine pouvoient – ils respirer, lors que tournant les yeux sur moy, il me dit: Va, mon ami paracheve ce que tu as à faire, et sur tout raconte bien ce que tu as veu, et que la mort m’est agreabel, qui m’empesche de noircir la fidelité que j’ay vouée à la belle Silvie. Silvie, fut la derniere parole qu’il dit; car avec ce mot cette belle ame sortit du corps, et je croy, quant à moy, que si jamais amant fut heureux aux champs Elysées, mon maistre le sera en attendant qu’il vous puisse revoir. – Et quoy, dit Silvie, il est donc bien vray que Ligdamon est mort? – C’est sans doute, respondit-il. – O Dieux! s’escria Silvie.
A ce mot, tout ce qu’elle peut faire fut de se jetter sur son lict, car le coeur luy failloit. Et apres avoir demeuré quelque temps le visage contre le chevet, elle pria Leonide qui estoit pres d’elle de prendre la lettre de Ligdamon, et dire à Egide qu’il s’en allaste chez elle, parce qu’elle s’en vouloit servir. Ainsi Egide se retira, mais si affligé qu’il estoit tout couvert de larmes.
Alors Amour voulust monstrer une de ses puissances; car ceste nymphe, qui n’avoit jamais aimé Lidgamon en vie à ceste heure qu’elle ouyt raconter sa mort, en monstra un si grand ressentiment, que la personne la plus passionnée d’amour n’en auroit point d’avantage.