plus qu’il luy estoit possible, pensant plaire à son fils. Mais au contraire, c’estoit avancer la mort de celuy qui n’en pouvoit mais. Hé! mon cher maître, quand je me ressouviens des dernieres paroles, que vous me dites, je ne sçay comme il est possible que je vive!
Toutes choses estoient prestes pour le mariage, et falloit que le lendemain il se parachevast, quand le soir il me tira à part, et me dit: Egide, mon amy, veis-tu jamais une semblable fortune à celle-cy, que l’on me vueille faire croire que je ne suis pas moy-mesme? – Seigneur, luy dis-je, il me semble, qu’elle ne pas mauvaise. Amerine est belle et riche, tous ceux qui se dient vos parents, sont les principaux de ceste contrée, que pourriez-vous desirer mieux? – Ah! Egide, me dit-il, que tu parles bien à ton aise! Si tu sçavois l’estat en quoy je me trouve, tu en aurois pitié. Mais prends bien garde à ce que je vay te dire, et sur toute l’obligation que tu m’as, et l’amitié que j’ay tousjours cogneue en toy, ne fais faute, aussi tost que demain j’auray fait ce à quoy je me resous, de porter ceste lettre à la belle Silvie, et luy raconte tout ce que tu auras veu. Et de plus, asseure-la, que jamais je n’ay aimé qu’elle, qu’aussi n’en aimeray-je jamais d’autre.
A ce mot il me donna ceste lettre, que je garday fort soigneusement, jusques au lendemain, qu’à l’heure mesmes qu’il partit pour aller au temple, il m’appella, et me commanda de me tenir pres de luy, et me fit encor rejurer de vous venir trouver en diligence. En mesme temps on le vint prendre pour le mettre sur le chariot nuptial, où des-jà la belle Amerine estoit assise, avec un de ses oncles, qu’elle aimoit et honoroit comme pere. Elle estoit au millieu de Ligdamon et de Caristes, ainsi s’appeloit son oncle, toute voilée d’un grand voile jaune, et ayant sur la teste, aussi bien que Ligdamon, le thyrse; il est