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ordonnoit qu’il eust à mourir, par les lions destinez à telle execution. Que toutesfois, pour estre nay noble et de leur patrie, luy faisant grace, ils luy permettoient de porter l’espée et le poignard comme estans armes de chevalier, desquelles, s’il en avoit le courage, il pourroit se deffendre ou essayer pour le moins de venger genereusement sa mort. Et en mesme temps ils firent dans leur conseil response à Meroüé, qu’ils chastieroient ainsi tous leurs compatriotes qui seroient traistres à leur patrie.

Voilà le pauvre Ligdamon en extreme danger; toutesfois ce courage qui ne flechissoit que sous l’amour, voyant qu’il n’y avoit point d’autre remede, se resolut à sa conservation le mieux qu’il peut.

Et d’autant que Lydias estoit des meilleures familles des Neustriens, presque tout le peuple s’assembla pour voir ce spectacle. Et lors qu’il se vid prest a estre mis dans cest horrible champ clos, tout ce qu’il requit fut de combattre les lions un à un. Le peuple qui ouyt une si juste demande, la fit accorder par ses exclamations, et battemens de mains, quelque difficulté que les parties y missent, si bien que le voilà mis seul dans la cage, et les lions qui à travers les barreaux voyoient ceste nouvelle proye, rugissoient si espouvantablement, qu’il n’y avoit celuy des assistans qui n’en paslist.

Sans plus, Ligdamon sembloit asseuré entre tant de dangers, et prenant garde à la premiere porte qui s’ouvrit, afin de n’y estre point surpris, il vid sortir un Lion furieux, à la hure herissée, qui dés l’abord ayant trois ou quatre fois battu la terre de sa queue, commença d’estendre ses grands bras, et entr’ouvrir les ongles, comme luy voulant monstrer de quelle mort il mourrait. Mais Ligdamon voyant bien qu’il n’y avoit nul salut qu’en sa valeur, aussi tost qu’il le void desmarcher, luy darde si à propos son poignard, qu’il le luy planta dans l’estomac jusques à la poignée, dont