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a fait tant de merveilles en la bataille où il s’est trouvé que Meroüé et Childeric l’estiment comme merite sa vertu. Mais il y avoit avec moy un jeune homme qui vouloit parler à Silvie, à qui ceux de la porte n’ont permis d’entrer, qui vous en racontera bien mieux toutes les particularitez, d’autant qu’il en vient, et moy j’ay pris ces lettres chez ma tante, où un de ceux de Lindamor les a portées qui attend la response. – Et ne sçais-tu point, repliqua la nymphe, ce qu’il veut à Silvie ? Non, respondit-il, car il ne l’a jamais voulu dire. – Il faut, dit la nymphe, qu’il entre.

A ce mot, s’en allant à la porte, elle recogneut incontinent ce jeune homme pour l’avoir veu souvent avec Ligdamon, qui luy fit juger qu’il apportoit à Silvie de ses nouvelles. Et parce qu’elle sçavoit combien sa compagne desiroit que ses affaires fussent secrettes, elle ne luy en voulut rien demander, feignant de ne le cognoistre et seulement luy dit qu’elle en advertiroit Silvie. Puis retirant encore Fleurial à part : Tu sçais bien, Fleurial, luy dit-elle, mon amy, le mal-heur qui est arrivé à Lindamor. – Comment cela ? respondit Fleurial, tant s’en faut, nous le devons croire heureux, car il acquiert tant de gloire où il est, qu’à son retour Amasis n’oseroit luy refuser Galathée. – O Fleurial, que dis-tu ? si tu sçavois comme toutes choses se passent, tu advouerois que le voyage de nostre amy est pour luy celuy de la mort, car je ne fay point de doute qu’à son retour il ne meure de regret. – Mon Dieu ! dit-il, que me dites-vous ? – Fleurial, repliqua-t-elle, il est ainsi que je te le dis, et ne croy point qu’il y ait du remede s’il ne vient de toy. – De moy ? dit-il, s’il peut venir de moy tenez-le pour asseuré, car il n’y a rien au monde que je ne fasse. – Or, dit la nymphe, sois donc secret, et à ce soir je t’en diray d’avantage. Mais