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tout joyeux voulut l’aller embrasser, mais Diamis le retint en luy disant : Je vous supplie, Ergaste, ne faisons rien en cecy de mal à propos. Mon frere, si tout à coup nous luy disons ces bonnes nouvelles, mourra de plaisir et si vous cognoissiez l’extrerne affliction que cest accident luy a causé, vous seriez de mesme opinion. C’est pourquoy il me semble qu’il vaut mieux que je le luy die peu à peu, et parce qu’il ne me croira pas, vous viendrez apres le luy reconfirmer. Ergaste trouvant cet advis bon, s’esloigna entre quelques arbres d’où il pouvoit les voir, et Piamis s’advança. Et faut bien dire qu’il fut inspiré de quelque bon demon, car si d’abord Celion eust veu Ergaste, peut-estre suivant sa resolution, luy eust-il fait du déplaisir.

Or, à l’heure mesme que Diamis s’en approcha, son frere s’esveilla, et recommençant son ordinaire entretien, se mit à plaindre de ceste sorte.

Plainte


0utré par la douleur de mortelles atteintes,
Sans autre reconfort
Que celui de mes plaintes,
Je souspire à la mort.

Mon deffense est sans plus l’impiossible esperance,
Mais le glaive aceré,
Dont le mal-heur m’offence,
Est un mal asseuré.

J’espere quelquefois en ma longue misere,
De voir finir mon dueil.
Mais quoy ? je ne l’espere,
Sinon dans le cercueil.

Celuy ne, doit-il point s’estimer miserable,
Et les dieux ennemis,
Dont l’espoir favorable
En la mort est