obligera Bellinde,outre l’amitié qu’elle vous porte, de conserver tousjours çhere la memoire de ce frere qui l’ayme, et qu’elle ayme parmy tous ses cruels et insupportables desplaisirs.
Quoy que Celion fust tellement transporté. que son esprit estoit presque incapable des raisons que ses amis luy pouvoient representer, si est-ce que son affection luy ouvrit les yeux à ce coup, et luy fit voir que Bellinde le conseilloit à propos, si bien que resolu a son depart, il donna secrettement ordre à son voyage. Et le jour avant qu’il voulust partir, il escrivit à sa bergere que, faisant dessein de luy obeyr, il la supplioit de luy donner commodité de pouvoir prendre congé d’elle, afin qu’il peust partir avec quelque sorte de consolation. La bergere qui veritablement l’aimoit, quoy qu’elle previst que cest adieu ne feroit que rengreger son desplaisir, ne voulut luy refuser ceste requeste, et luy donna assignation le lendemain au matin à la fontaine des Sycomores.
Le jour ne commençoit que de poindre quand le desolé berger sortant de sa cabane avec son trouppeau, le chassa droit à la fontaine, où s’estendant de son long, et les yeux sur le cours de l’onde, il commença, en attendant sa bergere, de s’entretenir sur son prochain mal-heur. Et apres avoir esté quelque temps muet, il souspira ces vers.
Comparaison d’une fontaine à son desplaisir.
Ceste source eternelle,
Qui ne finit jamais,
Mais qui se renouvelle
Par des flots plus espais,