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hier, et comme la vive couleur du visage lui est revenue en peu de temps  ! Quant à moi, je ne plains point la peine du voyage, puisque nous lui avons sauvé la vie ; car, à ce que vous dites, ma mignonne (dit-elle, s’adressant à Silvie) il est des principaux de cette contrée. – Madame, respondit la nymphe, il est tres-certain, car son pere est Alcippe, et sa mere Amarillis. – Comment, dit-elle, cet Alcippe de qui j’ay tant ouy parler, et qui pour sauver son amy, força à Usson les prisons des Visigots ? – C’est celui-là mesme, dit Silvie. Je le vis il y a cinq ou six mois à une feste que l’on chommoit en ces hameaux, qui sont le long des rives de Lignon, et parce que sur tous les autres Alcipe me sembla digne d’estre regardé, je tins sur lui longuement les yeux ; car l’authorité de sa barbe chenue, et de sa venerable vieillesse le font honorer et respecter de chacun. Mais quant à Celadon, il me souvient que de tous les jeunes bergers, il n’y eut que luy et Silvandre qui m’osassent approcher. Par Silvandre, je sceu qui estoit Celadon, et par Celadon qui estoit Silvandre ; car l’un et l’eutre avoit en ses façons et en ses discours quelque chose de plus genereux que le nom de berger ne porte.

Cependant que Silvie parloit, Amour, pour se mocquer des finesses de Climante et de Polemas, qui estoient cause que Galathée s’estoit trouvée le jour auparavant sur le lieu où elle avoit pris Celadon, commençoit de faire ressentir à la nymphe les effects d’une nouvelle amour ; car tant que Silvie parla, Galathée eut tousjours les yeux sur le berger, et les louanges qu’elle luy donnoit, furent cause qu’en mesme temps sa beauté et sa vertu, l’une par la veue, et l’autre par l’ouye, firent un mesme coup dans son ame. Et cela d’autant plus aisément qu’elle s’y trouva préparée par la tromperie de Climate, qui feignant le devin, luy avoit predit, que celuy qu’elle rencontreroit, où elle trouva Cealdon, devoit estre son