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vous,
Par ses loix m’a contrainte :
Et quel devoir plus fort et quelle loy plus saincte
Sçauroit estre pour nous,
Que la foy si souvant dedans nos mains jurée
Quand nous nous promettions une amour asseurée ?

Puisse, nce disiez-vous, incontinent seicher
Ma main comme parjure,
Si je manque jamais à ce que je t’asseure,
Et si j’ay rien plus cher,
Ny si dedans mon cœur d’avantage je prise
Que ceste affection que ta foy m’a promise !
O cruel souvenir de mon bonheur passé,
Sortez de ma memoire.
Helas ! Puis que le bien d’une si grande gloire
Est ores effacé,
Effacez-vous de mesme, il n’est pas raisonnable
Que vous soyez en rnoy, qui suis si miserable

Encores qu’il ne fist paroistre en une seule de ses actions, qu’il luy fust resté de l’esperance, si est-ce qu’il en avoit tousjours quelque peu parce que le contrat de mariage n’estoit point passé, et qu’il sçavoit bien que le plus souvent les conventions font rompre ceux que l’on croit les plus certains. Mais quand il sceut que les articles estoient signez d’un costé et d’autre, belle nymphe, comment vous pourrois-je dire le moindre de ses desespoirs ! Il se destordoit les mains, il s’arrachait le poil, il se plomboit l’estomac de coups, bref, c’estoit une personne transportée, et tellement hors de raison, qu’il partoit plusieurs fois en dessein de tuer Ergaste. Mais quand il estoit prest quelque estincelle de consideration,