Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/538

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il n’y avoit plus une seule estincelle d’esperance, qui peust esclairer entre ses desplaisirs, comme une personne sans resolution, il se mit dans le bois, et dans les lieux plus cachez, où il ne faisoit que plaindre son cruel desastre, quelque remonstrance que ses amis luy peussent faire. Il vesquit de ceste sorte plusieurs jours durant lesquels il faisoit mesme pitié aux rochers. Et afin que celle qui estoit cause de son mal en ressentist quelque chose, il luy envoya ces vers.

Stances de Celion sur le mariage de Bellinde et d’Ergaste.


Doncques le Ciel consent qu’apres tant d’amitié,
Qu’apres tant de services,
D’un autre vous soyez les douceurs, les delices,
Et la chere moitié ?
Et que je n’aye en fin de mon amour fidelle
Que le ressouvenir qu’un regret renouvelle ?
Vous m’avez bien aimé, mais qu’est ce que me vaut,
Ceste amitié passée,
Si dans les bras d’autruy je vous voy caressée ?
Et si pourtant il faut
Que vous sçachant à luy, je couvre du silence
Le cruel desplaisir qui rompt ma patience ?

S’il avoit plus que moy de merite, ofc d’amour,
Je ne sçaurois que dire.
Mais helas ! n’est-ce point un trop cruel martyre
Qu’il obtienne en un jour,
Et sans le meriter, ce que le Ciel desnie
Aux desirs infinis d’une amour infinie ?

Mais, ô foible raison, le devoir, dittes-