louables vertus, la fit demander, et parce qu’il ne vouloit que cela fust esventé qu’il n’en fust asseuré, celuy qui traitta cet affaire le tint si secret que la promesse du mariage fut aussi tost sceue que la demande. Car Philemon s’asseurant de l’obeissance de sa fille, s’y obligea de parole, et puis l’en advertit.
Au commencement elle trouva fort difficile la resolution qu’il luy faloit prendre, parce que c’estoit un homme qu’elle n’avoit jamais veu. Toutesfois ce bel esprit qui jamais ne flechissoit sous les faix du malheur, se releva incontinent, et surmontant ce desplaisir, ne permit seulement à son œil de donner signe de son ennuy pour sa consideration ; mais elle ne peut jamais obtenir cela sur elle pour celle de Celion, et fallut que ses larmes payassent l’erreur de sa trop opiniastre haine contre le mariage. Si est-ce que pour satisfaire en quelque sorte à sa promesse, elle advertit le pauvre berger que Philemon la vouloit marier. Soudain qu’il eust ceste permission tant desirée, il sollicita de sorte son pere que le mesme jour il en parla à Philemon, mais il n’estoit plus temps, dequoy le pere de Bellinde eut beaucoup de regret, car il l’eust bien mieux aimé qu’Ergaste.
O dieux ! que de regrets quand il sceut l’arrest de son malheur ! Il sortit de sa maison et ne cessa qu’il n’eust trouvé la bergere. A l’âbord il ne peut parler, mais son visage luy raconta assez quelle response avoit esté celle de Philemon et combien qu’elle fust aussi necessiteuse de bon conseil que luy et de force pour supporter ce coup, si voulut-elle se monstrer aussi bien invaincue à ce desplaisir qu’elle avoit toujours fait gloire de l’estre à tous les autres. Mais aussi ne voulut-elle pas paroistre si insensible que le berger n’eust quelque cognoissance qu’elle ressentoit son mal et qu’il Iuy desplaisait, sur quoy elle luy demanda a, quoi reussiroit la demande qu’il avoit faite à son pere.