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que l’amour, le tournade tant de costez qu’il luy fit descouvrir sa peine, à laquelle il donna quelque soulagement par son bon conseil, car, en son jeune aage, il avoit passé bien souvent par semblables destroits. Et en fin, le voyant un peu remis, se mocqua de ce qu’il avoit eu tant de peine pour si peu de chose, luy remonstrant qu’en cela le remede estoit si aisé qu’il auroit honte qu’on sceust que Celion, estimé de chacun pour sage et pour personne de courage, eust eu si peu d’entendement que de ne sçavoir prendre resolution en un accident si peu difficile, qu’au pis aller, il ne falloit que faindre. Et puis il continuoit : Toutesfois il a esté tres-à propos qu’au commericemezt vous ayez faict ces difficultez, car elle croira que vostre affection est extreme et cela l’obligera à vous aimer d’avantage, mais puis que vous en avez fait tant de demonstration, il suffit que pour la contenter, vous faignez ce qu’elle vous a commande. Ce conseil fut en fin receu de Celion et executé comme il avoit esté proposé : il est vray qu’il escrivit auparavant cette lettre à Bellinde.

Lettre de Celion à Bellinde

Si j’avais merité un traittment si rude que celuy que je reçois de vous, j’eslirois plustost la mort que de le souffrir ; mais puis que c’est pour votre contentement, je te reçois avec un peu plus de plaisir, que si en eschange vous m’ordonniez la mort. Toutesfois, puis que je me suis tout donné à vous, il est raisonnable que vous en puissiez absolument disposer. J’essayeray donc de vous obeir, mais ressouvenez vous qu’aussi longtemps que durera ceste contrainte, autant faudra-t’il rayer des jours de ma vie, car je ne nommeray jamais vie ce