du trouppeau et si bien dressé qu’il sembloit qu’il entendist son maistre quand il parloit à luy. A quoy la bergere prit tant de plasir qu’elle s’y arresta longuement. En fin elle voulut essayer s’il la recognoistroit comme luy, mais il estoit encore plus prompt à tout ce qu’elle vouloit, sur quoy s’esloignant un peu de la trouppe, elle dit à Celion : Que vous semble, mon frere, de l’accointance de vostre beslier et de moy ? il est de plus plaisans que je veis jamais. – Tel qu’il est, belle bergere, dit-il, si vous voulez me faire cet honneur de le recevoir, il est à vous. Mais il ne faut pas s’estonner qu’il vous rende tant d’obeissance, car il sçait bien qu’autrement je le desavouerois pour mien, ayant appris par tant de chansons qu’il a ouyes de moy en paissant, que j’estois plus à vous qu’à moy. – C’est tres bien expliquer, dit la bergere, l’obeissance de vostre belier, que je ne veux recevoir pour vous estre mieux employé qu’à moy. Mais puis que vous me donnez une si entiere puissance sur vous, je la veux essayer, joignant encor au commandement une tres affectionnée priere. – Il n’y a rien, respondit le berger, que vous ne me puissiez commander.
Alors Bellinde croyant avoir trouvé la commodité qu’elle recherchoit, poursuivit ainsi son discours : Dés le jour que vous m’asseurastes de vostre amitié, je jugeay ceste mesme volonté en vous ; aussi m’obligea-t’elle à vous aimer ; et honorer plus que personne qui vive. Or quoy que je vous die, je ne veux pas que vous croyez que j’aye diminué ceste bonne volonté, car elle m’accompagnera au tombeau ; et toutesfois peut-estre le feriez-vous, si je ne vous en avois adverty, mais obligez-moy de croire que ma vie, et non mon amitié peut diminuer.
Ces paroles mirent Celion en grande peine, ne sçachant à quoy elles tendoient. En fin il respondit qu’il attendroit sa volonté avec