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voulez sçavoir, vostre Celion. Je dis vostre, ma campagne, parce que je sçay qu’il vous aime et que ceste seule amitié luy fait desdaigner la mienne. Excusez ma folie, et sans faire semblant de la cognoistre, laissez moy seule plaindre et souffrir mon mal.

La sage Bellinde eut tant de honte, oyant ce discours, de l’erreur de sa compagne, que combien qu’elle aymast Celion autant que quelque chose peut estre aymée, elle resolut toutesfois de rendre à ceste occasion une preuve non commune de ce qu’elle estoit. Et pour ce, se tournant vers elle, elle luy dit : A la verité, Amaranthe, je souffre une peine qui ne peut se dire de vous voir si transportée en ceste affection, car il semble que nostre sexe ne permette pas une si entiere authorité à l’amour. Toutesfois puis que vous en estes en ces termes, je loue Dieu que vous vous soyez adressée en lieu où je puisse vous rendre tesmoignage de ce que je vous suis. J’ayme Celion, je ne le veux nier, autant que s’il estoit mon frere, mais je vous aime aussi comme ma sœur, et veux (car je sçay qu’il m’obeyra) qu’il vous ayme plus que moy. Reposez-vous en sur moy et resjouissez-vous seulement, veu que vous cognoistrez, lors que vous serez guerie, quelle est Bellinde envers vous.

Apres quelques autres semblables discours, la nuict contraignit Bellinde de se retirer, laissant Amaranthe avec tant de contentement qu’oubliant sa tristesse, en peu de jours elle recouvra sa premiere beauté.

Cependant Bellinde n’estoit pas sans peine, qui recherchant le moyen de faire sçavoir son dessein à Celion, trouva en fin la commodité telle qu’elle desiroit. De fortune elle le rencontra qui se jouoit avec son belier dans ce grand pré où la plupart des bergers d’ordinaire paissent leurs troupeaux. Cet animal estoit le conducteur