j’ay aymé une dissimulée.
Amaranthe à qui la honte sans plus avoit clos la bouche jusques là, se voyant seule avec elle et pressée avec tant d’affection, se resolut d’esprouver les derniers remedes qu’elle pensoit estre propres à son mal. Chassant donc la honte le plus loing d’elle qu’elle peut, elle ouvrit deux ou trois fois la bouche pour luy declarer toutes choses ; mais la parole luy mouroit de sorte entre les levres, que ce fut tout ce qu’elle peut faire que de proferer ces mots interrompus, se mettant encore la main sur les yeux pour n’oser voir celle à qui elle parloit : Ma chere compagne, luy dit-elle, car elles se nommoient aisni, nostre amitié ne permet que je vous cele quelque chose, sçachant bien que quoy que qui vous soit declaré, qui m’importe, sera toujours aussi soigneusement tenu secret par vous que par moy-mesme. Excusez donc, je vous supplie, l’extreme erreur, dont pour satisfaire à nostre amitié, je suis contrainte de vous faire ouverture. Vous me demandez quelle est ma douleur, et d’où elle procede : sçachez que c’est amour qui naist des perfections d’un berger. Mais, helas ! à ce mot, vaincue de honte et de desplaisir, tournant la teste de l’autre costé, elle se teut avec un torrent de larmes.
L’estonnement de Bellinde ne se peut representer, toutesfois pour luy donner courage de parachever, elle luy dit : Je n’eusse jamais creu qu’une passion si commune à chacun, vous eust tant donné d’ennuy. Que l’on aime, c’est chose ordinaire, mais que ce soient les perfections d’un berger, cela n’advient qu’aux personnes de jugement. Dites moy donc qui est ce bienheureux.
Alors Amaranthe reprenant la parole, avec un souspir luy partant du profond cœur, luy dit : Mais helas ! ce beger aime ailleurs. – Et qui est-il ? dit Bellinde. – C’est, respondit-elle, puis que vous le