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ardante passion en une amitié moderée, que je recevray de tout mon coeur, car telle chose ne m’est impossible, et ce qui ne l’est pas ne me peut estre trop difficile pour vostre service.

Ceste response l’eust bien peu divertir, si l’amour n’estoit du naturel de la poudre, qui fait plus d’effet lorsqu’elle est la plus serrée ; car, contre ces difficultez premieres, elle opposoit quelque sorte de raison, que Celion ne devoit si tost laisser Bellinde, que ce seroit estre trop volage, si à la premiere semonce il s’en despartoit. Mais le temps luy apprit à ses despens qu’elle se trompoit, car depuis ce jour le berger la desdaigna de sorte qu’il la fuyoit, et bien souvent amoit mieux s’esloigner de Bellinde que d’estre contraint de la voir.

Ce fut lors qu’elle se reprit de s’estre si facilement embarquée sur une mer si dangereuse et tant remarquée par les ordinaires naufrages de ceux qui s’y hazardent ; et ne pouvant supporter ce desplaisir, devint si triste qu’elle fuyoit ses compagnes et les lieux où elle se souloit plaire, et en fin tomba malade à bin escient. Sa chere Bellinda l’alla voir incontinent, et sans y penser, pria le berger de l’y accompagner ; mais, d’autant que le veue d’un bien qu’on ne peut avoir, ne fait qu’augmenter le desir, ceste visite ne fit que rengreger le mal d’Amaranthe. Le soir estant venu, toutes les bergeres se retirerent, et ne resta que Bellinde avec elle, si ennuyée du mal de sa compagne (car elle ne sçavoit quel il estoit) qu’elle n’avoit point de repos. Et lors qu’elle le luy demandoit, pour toute response elle n’avoit que des souspirs. Dont Bellinde au commencement estonnée, en fin offensée contre elle, luy dit : Je n’eusse jamais pensé qu’Amaranthe eust si peu aimé Bellinde qu’elle luy eust peu celer quelque chose, mais à ce que je voy, j’ay bien esté deceue, et au lieu qu’autrefois je disois que j’avois une amie, je puis dire à ceste heure que