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erreur, et vostre courtoisie recevoir l’amitié que je vous offre. Je me voudrois mal, si j’amois quelque chose moindre que vous, mais pour vostre merite, je fais ma gloire, d’où ma honte procederoit pour un autre. Si vous refusez ce que je vous presente, ce sera faute d’esprit ou de courage, lequel que ce soit des deux, vous est aussi peu honorable qu’à moy d’estre refusée.

Elle donna la lettre elle-mesme à Celion, qui ne pouvant imaginer ce qu’elle vouloit, aussi tost qu’il fut en lieu retiré, la leut, mais non point avec plus d’estonnement que de mespris. Et n’eust esté qu’il la sçavoit infiniment amie de sa maistresse, il n’eust pas mesme daigné luy faire response, toutesfois craignant qu’elle ne luy peust nuire, il luy envoya ceste response par son frere.

Response de Celion à Amaranthe

Je ne sçay qu’il y a en moy, qui vous puisse esmouvoir à m’aimer, toutesfois je m’estime autant heureux qu’une telle bergere me daigne regarder, que je suis infortuné de ne pouvoir recevoir une telle fortune. Que pleust à ma destinée que je me peusse aussi bien donner à vous comme je n’en ay la puissance ! Belle Amaranthe, je me croirois le plus heureux qui vive, de vivre en vostre service, mais n’estant plus en ma disposition, vous n’accuserez, s’il vous plaist, mon esprit,ny mon courage de ce à quoy la necessité me contraint. Ce me sera tousjours beaucoup de contentement d’estre en vos bonnes graces, mais à vous encor plus de regret de remarquer à tous momens l’impuissance de mon affection. Si bien que je suis forcé de vous supplier par vostre vertu mesme de diminuer ceste trop