Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/52

Cette page n’a pas encore été corrigée

Lycidas et Phillis  : luy, infiniment fasche de la mort de son frere, et infiniment offence contre Astrée  ; elle, marrie de Celadon, faschée de l’ennuy de Lycidas, et estonnée de la jalousie de sa compagne. Toutesfois, voyant que la playe en estoit encor trop sensible, elle ne voulut y joindre les extremes remedes, mais seulement quelques legers preparatifs, pour adoucir, et non point pour resoudre  ; car en toute façon elle ne vouloit pas que la perte de Celadon luy coustast Lycidas, et elle consideroit bien, que si la haine continuoit entre luy et Astrée, il falloit qu’elle rompit avec l’un des deux, et toutesfois l’amour ne vouloit point ceder à l’amitie, ny l’amitie à l’amour, et si l’un ne vouloit consentir à la mort de l’autre. D’autre costé Astrée remplie de tant d’occasions d’ennuis, comme je vous ay dit, lascha si bien la bonde à ses pleurs, et s’assoupit tellement en sa douleur que, pour n’avoir assez de larmes pour laver son erreur, ny assez de paroles pour declarer son regret, ses yeux et sa bouche remirent leur office à son imagination, si longuement, qu’abatue de trop d’ennuy, elle s’endormit sur telles pensées.


LE DEUXIESME
LIVRE DE LA
première partie d'Astrée


Cependant que ces choses se passoient de ceste sorte entre ces bergers et bergeres, Celadon receut des trois belles nymphes, dans le Palais d’Isoure, tous les