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crains, respondit le berger, que le discours n’en soit si long qu’il vous ennuye. – Au contraire, dit la nymphe, nous ne sçaurions mieux employer le temps, cependant que Galathée lira les lettres qu’elle vient de recevoir. – Pour satisfaire donc à vostre commandement, adjousta-t’il, je le feray le plus briefvement qu’il me sera possible.

Et lors il continua de ceste sorte.

Histoire de Celion et Bellinde

Il est tout certain, belle nymphe, que la vertu despouillé de tout autre agencement, ne laisse pas d’estre d’elle-mesme agreable, ayant des aymants tant attirans, qu’aussi tost qu’une ame en est touchée, il faut qu’elle l’aime et la suive. Mais quand ceste vertu se rencontre en un corps qui est beau, elle n’est pas seulement agreable, mais admirable, d’autant que les yeux et l’esprit demeurent ravis en la contemplation et en la vision du beau. Ce qui se cognoistra clairement par le discours que je pretens vous faire de Bellinde.

Sçachez donc qu’assez pres d’icy, le long de la riviere de Lignon, il y eut un tres-honneste pasteur nommé Philemon, qui apres avoir demeuré long temps marié eut une fille qu’il nomma Bellinde, et qui, venant à croistre, fit autant paroistre de beauté en l’esprit que l’on luy en voyoit au corps.

Assez pres de sa maison logeoit un autre berger nommé Leon, avec qui le voisinage l’avoit lié d’un tres estroit lien d’amitié, et la fortune ne voulant pas en cela advantager l’un sur l’autre, luy donna aussi en mesme temps une fille, de qui la jeunesse promettoit beaucoup de sa future beauté : elle fut nommé Amaranthe. L’amitié des peres fit naistre par la frequentation celles des filles, car elles furent