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des herbes, et du naturel des animaux, le bestail augmente de sorte entre ses mains, qu’il n’y a celuy qui ne desire de luy en remettre, dont il rend à chacun si bon conte, qu’outre le proffit qu’il y fait, il n’y a celuy qui ne l’aye tousjours gratifié de quelque chose ; de façon qu’à ceste heure il est à son aise et se peut dire riche. Car, ô belle nymphe, il ne nous faut pas beaucoup pour nous rendre tels, d’autant que la nature estant contente de peu de chose, nous qui ne recherchons que de vivre selon elle, sommes aussi tost riches que contents, et nostre contentement estant facile à obtenir, nostre richesse incontinent est acquise.

– Vous estes, dit Silvie, plus heureux que nous. Mais vous m’avez parlé de Diane, je ne la cognois que de veue : dites moy, je vous supplie, qui est sa mere ? – C’est Bellinde, respondit-il, femme du sage Celion, qui mourut assez jeune. – Et Diane, dit Silvie, qui est-elle est quelle est son humeur ? C’est, luy respondit Celadon, une des plus belles bergeres de Lignon, et si je n’estois partial pour Astrée, je dirois que c’est la plus belle ; car, en verité, ce qui se se void à l’œil, elle a tant de beautez en l’esprit qu’il n’a rien à redire ny à desirer. Plusieurs fois nous avons esté trois ou quatre bergers ensemble à la considerer , sans sçavoir quelle perfection luy souhaitter qu’elle n’eust. Car encor qu’elle n’aime rien d’amour, si aime-t’elle toute vertu d’une si sincere volonté, qu’elle oblige plus de cette sorte que les autres par leurs violentes affections. – Et comment, dit Silvie, n’est elle point servie de plusieurs ? – La tromperie, respondit Celadon, que le pere de Filidas luy a faicte, a empesché que cela n’a point esté encore, et à la verité ce fust bien la plus insigne dont j’aye jamais ouy parler. – Si ce ne vous estoit de la peine, adjousta Silvie, je serois bien aise de l’entendre de vous, et aussi de sçavoir ce Celion et ceste Bellinde. – Je