point aimé, nous disons que son aymant a esté oublié. – Et que disoit-il, dit Silvie, sur ce que personne n’avoit aimé Tymon ? - Que quelque fois, respondit Celadon, le grand die contoit les pierres qui luy restoient, et trouvant le nombre failly, à cause de celles que quelques ames larronnesses avoient prises de plus, comme je vous ay dit, afin de remettre les pieces en leur nombre esgal, les ames qui alors se rencontroient pour entrer au corps, n’en emportoient point, que de là venoit que nous voyons quelquefois des bergeres assez accomplies, qui sont si défavorisées, que personne ne les aime.
Mais le gracieux Corilas luy fit une demande selon ce qui le touchoit pour lors : Que veut dire qu’ayant aimé longuement une personne, on vient à la quicter et à en aimer un e autre ? – Silvandre respondit à cela que la piece d’aymant de celuy qui venoit à se changer, avoit esté rompue, et que celle qu’il avoit aimée la premiere en devoit avoir une piece plus grande que l’autre, pour laquelle il la laissoit, et que tout ainsi que nous voyons un fer entre deux calamites, se laisser tirer à celle qui a plus de force, de mesme l’ame se laisse emporter à la plus forte partie de son aymant. – Vrayement, dit Silvie, ce berger doit estre gentil d’avoir de si belles conceptions ; mais dites-moy, je vous supplie, qui est-il ? – Il seroit bien mal-aisé que je le vous disse, respondit Celadon, car luy mesme ne le sçait pas. Toutesfois nous le tenons pour estre de bon lieu, selon le jugement que l’on peut faire de ses bonnes qualitez. Car il faut que vous sçachiez qu’il y a quelques années qu’il vint habiter en nostre village, avec fort peu de moyens, et sans cognoissance, sinon qu’il disoit venir du lac de Leman où il avoit esté nourri petit enfant. Si est-ce que depuis qu’il a esté cogneu, chacun luy a aidé, outre qu’ayant la cognoissance