celles des femmes où sont les pierres d’aymant qui ont touché celles des hommes, et celles des hommes à celles des femmes, et leur en fait prendre une à chacune. S’il y a des ames larronnesses, elles en prennent plusieurs pieces qu’elles cachent. Il advient de là qu’aussi tost l’ame est dans le corps et qu’elle rencontre celle qui a son aymant, il luy est impossible qu’elle ne l’aime et d’icy procedent tous les effects de l’amour ; car quant à celles qui sont aimées de plusieurs, c’est qu’elles ont esté larronnesses et ont pris plusieurs pieces. Quant à celle qui aime quelqu’un qui ne l’aime point, c’est que celuy-là a son aymant, et non pas elle le sien.
On luy fit plusieurs oppositions, quand il disoit ces choses, mais il respondit fort bien à toutes. Entre autres je luy dis : Mais que veut dire que quelquefois un berger aymera plusieurs bergeres ?– C’est, dit-il que la piece d’aymant qui le toucha, estant entre les autres, lors que Dieu les mesla, se cassa, et estant en diverses pieces, toutes celles qui en ont, attirent ceste ame. Mais aussi prenez garde que ces personnes qui sont esprises de diverses amours n’aiment pas beaucoup : c’est d’autant que ces petites pièces separées n’ont pas tant de force qu’estans unies.
De plus, il disoit que d’icy venoit que nous voyons bien souvent des personnes en aimer d’autres qui à nos yeux n’ont rien d’aimable, que d’icy procedoient aussi ces estranges amours, qui quelquefois faisoient qu’un Gaulois nourry entre toutes les plus belles dames, viendra à aimer une barbare estrangere. Il y eut Diane qui luy demanda ce qu’il diroit de ce Tymon Athenien qui n’aima jamais personne, et que jamais personne n’aima. L’aymant, dit-il, de celuy-là, ou estoit encor dans le magazin du grand Dieu, quand il vint au monde, ou bien celuy qui l’avoit pris mourut au berceau, ou avant que ce Tymon fust nay, ou en aage de cognoissance. De sorte que depuis, quand nous voyons quelqu’un qui n’est