à moy, si l’on n’aime point ailleurs, qu’il est impossible de pratiquer longuement une beauté bien aimable sans l’aymer.
Silvie luy respondit : Je suis si peu sçavante en ceste science, qu’il faut que je m’en remette à ce que vous en dites. Si crois-je toutesfois, qu’il faut que ce soit autre chose que la beauté qui fasse aimer, autrement une dame qui seroit aimée d’un homme, le devroit estre de tous. – Il y a, respondit le berger, plusieurs responses à ceste opposition. Car toutes beautez ne sont pas veues d’un mesme œil, d’autant que tout ainsi qu’entre les couleurs il y en a qui plaisent à quelques uns et qui déplaisent à d’autres, de mesme faut-il dire des beautez, car tous les yeux ne jugent pas semblables, outre qu’aussi ces belles ne voyent pas chacun d’un mesme œil, et tel leur plaira, à ce qui elles tascheront de plaire, et tel au rebours, à qui elles essayeront de se rendre desagreables. Mais, outre toutes ces raisons, il me semble que celle de Silvandre encores est tres bonne : quand on luy demande pourquoy il n’est point amoureux, il respond qu’il n’a pas encor trouvé son aymant, et que quand il le trouvera ; il sçait bien qu’infailliblement il faudra qu’il aime comme les autres.
Et respondit Silvie : Qu’entend-il par cest aymant ? – Je ne sçay, repliqua le berger, si je le vous sçauray bein dedure, car il a fort estudié, et entre nous, nous le tenons pour homme tres-entendu. Il dit que quand le grand Dieu forma toutes nos ames, il les toucha chacune avec une piece d’aymant, et qu’apres il mit toutes ces pieces dans un lieu à part, et que de mesmes celles des femmes, apres les avoir touchées, il les serra en un autre magazine separé. Que depuis quand il envoye les ames dans les corps, il meine