caché, que nous mesmes n’en sçavons rien, qu’il ne soit en extremité.
Leur discours eut duré d’avantage, n’eust esté que le druide les vint trouver, afin de voir ce qui seroit necessaire pour son dessein. Il le trouva assez bien disposé pour le corps, car le mal avoit passé sa furie, et venoit sur le declin ; mais quand il eut parlé à luy, il jugea bien que son esprit avoit du mal, encor qu’il ne creust pas que ce fust pour ses nymphes. Et sçachant bien que le prudent medecin doit tousjours approter le premier remede au mal qui est le plus prest à faire son effort, il resolut de commencer sa cure par Galathée.
Et en ce dessein, desirant de s’esclaircir tout à faict de la volonté de Celadon, le soir que toutes les nymphes estoient retirées, il prit garde quand Meril n’y estoit point, et ayant fermé les portes, il luy parla de ceste sorte. Je croy, Celadon, que votre estonnement n’a pas esté petit, de vous voir tout à coup eslevé à une si bonne fortune que celle que vous possedez, car je m’asseure qu’elle est du tout outre vostre esperance, puis qu’estant nay ce que vous estes, c’est à dire berger, et nourry parmy les villages, vous vous voyez maintenant chery des nymphes, caressé et servy, je ne diray pas des dames, qui ont accoustumé d’estre commandée, mais de celle qui commande absolument sur toute ceste contrée. Fortune à la verité que les plus grands ont desirée, mais où personne encore n’a peu atteindre que vous, dont vous devez louer les dieux et leur en rendre graces afin qu’ils la vous continuent.
Adamas luy parloit ainsi pour le convier à luy dire la verité de son affection luy semblant que par ce moyen, monstrant de l’approuver, il le feroit beaucoup mieux descouvrir. A quoy le berger respondist avec un grand souspir : Mon pere, si celle-cy est une bonne