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vie mauvaise, qu’Adamas l’en estima beaucoup. Et pour donner commencement, non point à la guerison du berger, mais à celle des nymphes, car ce mal estoit le plus grand, Adamas luy demanda quel estoit son adivs. Quant à moi, dit-elle, je voudrois commencer à leur oster la cause de leur mal, qui est ce berger, mais il le faut faire avec artifice, puis que Galathée ne veut point qu’il s’en aille. – Vous avez raison, respondit le druide, mais en attendant que nous le puissions faire, il faut bien garder qu’il ne devienne amoureux d’elles, d’autant que la jeunesse et la beauté ont une sympathie qui n’est pas petite, et ce seroit travailler en vain s’il venoit à les aymer. – O Adamas, dit Silvie, si vous cognoissiez Celadon comme moy, vous n’auriez point ceste crainte ; il est tant amoureux d’Astrée que toute la beauté du monde, hors la sienne, ne luy peut plaire, et puis il est encor assez mal pour songer à autre chose qu’à sa guerison. – Belle Silvie, resondit le druide, vous parlés bien en personne qui ne sçait guiere d’Amour et comme celle qui n’a encores senti ses forces. Ce petit dieu, d’autant qu’il commande à toute chose, se moque aussi de toute chose, si bien que quand il y a moins d’apparence qu’il doive faire un effect, c’est lors qu’il se plaist de faire cognoistre sa puissance. Ne vivez point vous mesme si asseurée, puis qu’il n’y a encor eu nulle sorte de vertu qui ne soit peu exempter de l’amour ; la chasteté mesme ne l’a sceu faire, tesmoin Endymion. – Voy, dit incontinent Silvie, pourquoy, ô sage Adamas, m’allez-vous presageant un si grand desastre ? – C’est afin, dit-il, que vous vous armiez contre les forces de ce dieu, de peur que vous asseurant trop en l’opinion de ce que vous jugez impossible, vous ne soyez surprise avant que de vous y estre preparée. J’ay ouy dire que Celadon est si