cela le rendoit plus ardent en la recherche, car c’est l’ordinaire de ces jeunes esprits de desirer avec plus de violence ce qui leur est plus difficile. Et de faict il continua de sorte, que Leonide avoit assez de peine à dissimuler le bien qu’elle luy vouloit, et en fin le sceut si mal faire que Polemas cogneut bien qu’il estoit aimé. Mais voyez ce que l’Amour ordonne ! ce jeune amant, apres avoir trois ou quatre mois continué ceste recherche d’autant plus violemment qu’il avoit monis d’asseurance de la bonne volonté qu’il desiroit, aussi tost presque qu’il en est certain, perd sa violence, peu à peu aime si froidement, que d’autant que la fortune et l’amour, quand ils commencent à descendre, tombent tout à fait, la nymphe ne se prit garde qu’elle demeura la seule en ceste affection.
Il est vray que Galathée qui survint là dessus en fut en partie la cause ; car, ayant dessein sur Polemas, elle usa de tel artifice et se servit si bien, et de son authorité et du temps, que l’on peut dire qu’elle le luy desroba insensiblement, parce que quand Leonide le rudoyoit, Galathée le favorisoit, et quand l’autre fuyoit sa compagnie, celle-cy l’attiroit à la sienne. Et cela continua si longuement et si ouvertement que Polemas commença de tourner les yeux vers Galathée, et peu après le cœur les suivit ; car se voyant favoriser d’une plus grande que celle qui les mesprisoit, il se blasmoit de le souffrir sans ressentiment, et de n’embrasser la fortune qui toute riante le venoit rencontrer.
Mais, ô sage Adamas, voyez quelle gratieuse rencontre a esté celle-cy, et comme il a pleu à l’Amour de se jouer de ces cœurs. Il y avoit quelque temps que par l’ordonnance de Clidaman, Agis se rencontra serviteur de vostre niece, et comme vous sçavez, par l’élection de la fortune. Or, quoi que ce jeune chevalier ne fust point donné à Leonide de sa deliberation, si consentit-