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moy. Luy comme discret, se retirant, luy repondit : Vous n’avez pas deviné, je vous jure que ce n’est pas pour celle que vous m’avez nommée. Je m’apperceus alors qu’elle se cachoit de moy, qui fut cause que feignat de cuillir quelques fleurs, je m’ostay d’auprès d’eux et m’en allay d’un autre costé, non toutesfois sans avoir l’oeuil à leurs actions.

Or, depuis, Polemas mesme m’a raconté le tout, mais ç’a esté apres que son affection a esté passée, car tant qu’elle a continué, il n’a pas esté en mon pouvoir de luy faire rien advouer.

Estans donc demeurez seuls, ils reprindrent les brisées qu’ils avoient laissées, et elle fut la premiere qui commença : Et quoi, Polemas, dit-elle, vous vous jouez ainsi de vous amies ? Advouez la vérité, pour qui sont ces vers ? – Belle nymphe, dit-il, en vostre ame vous sçavez aussi bien pour qui ils sont que moy. – Et comment, dit-elle, me croyez-vous quelque devineuse ? – Ouy certes, respondit Polemas, et de celles qui n’obéissent pas au dieu qui parle par leur bouche, mais qui se font obeir à luy. – Comment entendez-vous cet enigme ? dit la nymphe ? – J’entends, repliqua-t’il, qu’amour parle par vostre bouche, autrement vos paroles ne seroient pas si pleines de feux et d’amour qu’elles peussent allumer en tous ceux qui les oyent des brasiers si ardents. Et toutesfois vous ne luy obeissez point, encor qu’il commande que qui aime soit aimé ; car toute desobeissante, vous faites que ceux qui meurent d’amour pour vous, vous peuvent bein ressentir belle, mais non jamais amante ny seulement pitoyable. J’en jure pour mon particulier, qui puis avec verité jurer n’y avoir au monde de beauté plus aimée que la vostre l’est de moy.

En disant ces dernieres paroles il rougit, et elle sousrit en luy respodant : Polemas, Polemas, les vieux soldats par leur playes monstrent le tesmoignage